Les intuitifs ont fini leur session. Mais l’information telle quelle n’est pas exploitable pour les archéologues. Mettre en forme les données sans les interpréter, en restant au plus près de la perception exprimée, c’est le boulot de l’analyste, moi en l’occurrence.
Je commence par retranscrire les sessions enregistrées, un moment de connivence avec l’univers intérieur de chaque intuitif.
Comme ils sont entraînés et ont appris à se mettre de côté pour percevoir l’information, peu de choses personnelles filtrent, mais je reconnais certains traits : la gourmandise de l’un, amateur de cuisine, ce qui le rend particulièrement sensible aux goûts ; les doutes exprimés d’un autre, en dépit de son expérience ; l’enthousiasme pour le beau, l’historique, largement partagé… Les informations produites vont du plus concret – formes, couleurs, textures de l’objet, etc – au plus abstrait – – l’état d’esprit qui prévalait chez ceux qui ont conçu et fabriqué l’objet, par exemple.
Au total, des centaines d’informations sont produites, plus de 1300 en ce qui concerne cet objet mystère. Grand moment de solitude, une fois les transcriptions finies. J’ai devant moi les petites pièces d’un immense puzzle, en tas. Des contours vont émerger au fur et à mesure que je progresse. Nous définissons avec Alexis Champion les catégories dans lesquelles seront classées les informations, en l’occurrence les caractéristiques physiques de l’objet, ses usages, le contexte culturel dans lequel il est utilisé, la localisation. Un logiciel conçu par IRIS (rappelons qu’Alexis est informaticien, et docteur en intelligence artificielle) permet de procéder à un premier tri, qu’il faut ensuite affiner. Chaque perception est classée, croisée avec d’autres qui lui ressemblent.
Les intuitifs travaillent séparément, en aveugle et c’est toujours avec une certaine émotion que je découvre des convergences saisissantes dans les perceptions : un aspect creux, un aspect arrondi, un univers masculin autour de l’objet…
Le rapport final est écrit dans un style impersonnel, pour rendre l’information lisible tout en privilégiant la neutralité de l’exposé. Quelque 90 pages seront fournies à Anao, en réponse à leur première demande d’exploration d’un objet archéologique par l’intuition. Toutes les informations ne seront pas exactes bien-sûr, personne n’étant parfait. Mais l’ensemble devrait donner une bonne idée de ce dont est capable la capacité intuitive. C’est en tout cas ce que j’espère en y mettant le point final, tard dans la nuit. Après relecture et validation par Alexis, le rapport sera remis à Anao au Musée de Menton. Ce sera une étape déterminante pour notre future collaboration.
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